Tout en définissant l’herméneutisme dans l’articulation de cet essai centré sur « l’oubli de l’être », en ce sens qu’y donnait Heidegger à la métaphysique, il nous faudra, soit déplorer comme
répression, soit implorer comme persuasion, une éthique et cela dans le but de rendre pertinente l’ossature infrangible du déterminisme généalogique afin d’en soustraire une essence
ontologique.
Or cette dernière devrait être une disruption [1] réitérative subsumée sous le principe de ses déviantes eugéniques afin qu’elles soient recadrées malgré un semblant de domination qui n’est que
la pierre de touche de l’épistémologie qui doit transiger pour « l’entéléchie adverbiale » [2] alors antithétique.
Car le scientisme guette l’épistémologie en ce sens où il rend discursif ce qui attente à l’humanisme en déjouant les règles du savoir en les confondant à la projection de ce qu’il croit être
leur savoir ainsi qu’une science universelle.
Et comme le dit Nietzsche dans un cynisme bientôt grec : « Car les esprits les plus vulgaires ont une habileté répugnante à ne voir dans la parole la plus profonde et la plus riche que la
banalité de leur propre opinion ». [3]
Comme vous pourrez le concevoir dans la seconde partie de mon recueil d’aphorismes, lui-même intitulé La science de l’idéalisme, les préjugés s’en sortent ainsi qu’une condition primitive à
toutes choses coopérant à la régression de l’état d’esprit contemporain jusqu’à en arriver aux causes finales, comme les revendiquait Alain et comme il faut les considérer avec méthode.
D’ailleurs Gadamer va jusqu’à préciser dans Vérité et méthode, que les préjugés peuvent se présenter comme des conditions de la compréhension ainsi qu’ils s’inséreraient dans
une réhabilitation de la tradition.
En effet la subtilité d’analyse de Gadamer est de montrer que cette hantise des préjugés procède elle-même d’un préjugé non questionné, notamment d’un « préjugé contre les préjugés ».
La croisade des Lumières contre les préjugés repose en effet sur l’idée que ne peut être reconnu comme vrai que ce qui a été fondé en raison sur la base d’une certitude
première.
Cependant c’est ce principe qui conduit les Lumières à dévaloriser toute connaissance fondée sur la tradition et l’autorité.
Mais c’est méconnaître qu’il peut y avoir des « préjugés légitimes », comme on peut dire en français, des préjugés féconds qui
nous viennent d’abord de l’histoire avant même toute tradition, l’histoire par l’écriture, par exemple.
Et ici le moment sera éminent de voir à partir de l’hellénisme et de la latinisation de son langage l’effervescence du logos pour une exégèse du savoir.
Car ces préjugés féconds peuvent être à l’endroit de la passion, là où elle s’articule véritablement là où elle ne veut pas voir l’envers de ses raisons.
Comment conviendrait-elle de ses propres préjugés, au moment où elle ne voit que le spectacle vivant de sa latence, conditions du désir qui ne se sont pas montrées assez
probantes pour en subtiliser la matière orgiaque de sa synthèse.
Ainsi il ne faut goûter qu’aux plaisirs qu’on veut véritablement assumer, c’est-à-dire ceux, surtout, qui ne sont pas compulsifs, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas dans une
problématique à la fois agressive et inféconde.
Mais ce travail s’attachera plus sur une éthique coercitive ainsi que sur une esthétique formaliste que l’oubli peut y avoir de rattaché dans le premier cas de sérieux, et dans le second de
suspicieux. En effet il faut considérer avec Deleuze ce qu’il dit: « Le catéchisme, tant inspiré du platonisme, nous a familiarisé avec cette notion : Dieu fit l’homme à son image et ressemblance
mais, par le péché, l’homme a perdu la ressemblance tout en gardant l’image. Nous sommes devenus des simulacres, nous avons perdu l’existence morale pour entrer dans l’existence esthétique
». [4]
Mircea Eliade ajoute : « Tandis que le dieu du père était anonyme, Yahvé est un nom propre qui met en évidence son mystère et sa transcendance ». [5]
En fait et encore ici, l’homme tout en gardant l’immanence et l’intentionnalité pure de sa transcendance, perd tout le mystère du dieu unique Yahvé.
Or le faux-semblant n’est qu’une magnificence esthétique et non pas une sublimation, de là il ne peut plus qu’être un simulacre.
Car l’esthétique ferait presque penser à un art des tourbillons vertigineux d’une création qui offre des lois aux contours de l’existence et du monde en lesquels se
parsèment des conventions artistiques.
Mais toutes ces conventions dominées par l’arbitraire ne peuvent que davantage porter sur la dialectique que sur la rhétorique, toutes deux subdivisées sous la « logique » qui
était idiosyncrasique chez les grecs ainsi qu’une raison dite “droite”.
Et cela est d’autant plus manifeste chez les sophistes qui se consacrèrent autant à la politique qu’à l’éducation comme nous aurons l’occasion de nous en représenter les
motifs.
Les rhéteurs grecs respectaient plus précisément les trois ordres suivant et cela selon Epictète : « il y a trois domaines dans lesquels on doit s’exercer pour devenir un homme
vertueux : l’un concerne les désirs et les inclinations…, un autre concerne les impulsions et les répulsions et de manière générale le devoir ; et le troisième vise à nous protéger de l’erreur et
de la légèreté de jugement, et elle concerne de façon générale les assentiments. » [6]
Le troisième domaine s’identifie, grosso modo, à la logique. Or : « Les philosophes d’aujourd’hui ont abandonné le premier domaine ainsi que le
deuxième pour s’occuper du troisième : des arguments changeants, de ceux qui arrivent à leur conclusion par le fait même d’être proposés, des hypothétiques, des menteurs ». [7]
Ainsi nous avons vu que la suspicion esthétique n’est que dans la perte d’un sérieux contre une éthique qui reste un fondement historique ; – l’oubli de l’être ne peut donc être que
l’attribut d’une esthétique où sa responsabilité ne peut vivre qu’à l’envers d’une authenticité primordiale de toute nécessité.
Car cette authenticité doit se brandir face à la mort de l’objet qu’autrui veut ôter de notre propre existence, comme si c’était son absence qui devait être consommée; fait
paradoxal, mais prudence légitime.
Car cette authenticité aura à la fois l’avantage et le désavantage de la séduction et de la répression ainsi qu’elle est attentive à la pudeur.
Elle pourra donc être tout autant le refus d’un abus transgressif que d’un accord d’un respect permissif, où nous avons pour ces deux états d’esprit le tournant déductif d’une
sexualité dont les croyances la font naturelle là où la morale les condamnent.
A nous de situer où l’oubli est ontologique dans un vécu qui, étant précis dans ses configurations, n’a pourtant pas toujours un caractère louable ou même reconnaissant, il ne doit que meubler la
vitupération de l’agressivité et en régler la compulsivité pour en refouler le sens et en saisir la profondeur à inscrire.
Et l’idéal de posséder un état d’esprit lié à des représentations influencées par des mouvements artistiques ainsi que le romantisme, le surréalisme et le classicisme, sera une
réponse à une tentative de mettre dans un même creuset tous les jeux de conceptions relativisant la matière ontologique de l’art.
Or c’est un art qui doit trouver dans toutes les racines de l’humanité la richesse du verbe, et à partir de là construire un étant de l’être qui soit le monde transfiguré en
bien.
A partir de là nombreuses seront les polémiques et les controverses dans le sujet même d’une « individualité singulière » d’une égoïté qui profite
davantage d’une honnêteté que d’un altruisme rendu trop hypocrite dans des valeurs pour un désintérêt qui n’est jamais vérifié. Saisissons d’abord où se situe le profit de cette égoïté.
En fait il se situe par rapport au Dasein, l’être-le-là, où son contenant est, au sens ontologique, la présupposition de toute relation Je-Tu factuelle ontique.
Ce rapport à l’ontique n’est que celui à l’étant (aux choses déterminées qui sont dans le monde) par opposition à l’être. Et il faut situer ce déplacement de l’être à
l’étant.
Car le premier est le solipsisme là où le second est l’onticité, le rapport interactif avec l’autre-être-immanent, c’est-à-dire l’entéléchie
ou Ça noétique où se déversent les passions en tant que sensations, régulant à partir des actions, dans ce que Lévi-Strauss appelait l’arbitraire du signe, le Surmoi.
Cependant ces affects passionnels peuvent subir une conversion artistique à partir de l’Idéal du Moi, sublimant alors les retours du refoulé. Mais la création ne se suffit pas
forcément d’une subversion qui en ferait le fondement unilatéral en réhabilitant le bien et en discernant le mal.
Et de là ce pouvoir de ne pas assujettir les mesquineries à des valeurs permet d’ajuster un vrai libéralisme qui n’est pas de même racine que la liberté et encore moins sa consommation absolue et
transgressive, mais qui est en fait une régénérescence de l’égoïsme dans sa sublimité ontique, l’égoïté.
Et la conscience qu’elle tire de cette nouvelle réalité n’est autre qu’un rapport où l’infini petit rejoint l’infini grand dans l’infime degré de l’objet convoité.
Ainsi en va-t-il de l’ajustement d’une raison à l’encontre d’une vérité de l’être qui n’est qu’une réduction scientiste d’un anarchisme des passions dans un formalisme qui part
de la Grèce antique avec le Noùs, le noumène Kantien, pour parvenir aux contours de nos sociétés actuelles depuis l’établissement des régimes démocrates dont la partition plaide pour les mêmes
revendications.
En fait il faudra voir l’évolution de la pensée comme une forme élaborée de la santé psychique qui est une régulation irrégulière, aléatoire, qu’il faut savoir montrer du doigt, c’est-à-dire
montrer les aspects qui peuvent remonter jusqu’à l’essence des troubles et en particulier depuis le Noùs, le noumène Kantien, pour en arriver à nos sociétés démocratiques et ce qu’elles
galvaudent de prévarications à la fois enthousiastes et angoissantes du Logos.
Notes :
[1] : Disruption et non syncrétisme : il s'agit autant d'une psychologie que d'un dogmatisme.
[2] : L'âme récurrente au verbe.
[3] : Opuscule de Nietzsche; La naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque.
[4] : Deleuze; Logique du sens; p. 237.
[5] : Mircea Eliade; Histoire des croyances et des idées religieuses; § 59.
[6] : Epictète; Entretiens; III, 2, 1.
[7] : Epictète; Entretiens; III, 2, 6.
[8] : Le Logos : C'est le concept, l'essence de la chose dans l'esprit, la pensée d'une chose; Cf Métaphysique d'Aristote.